En Italie, les initiatives des maisons d’édition pour éliminer les stéréotypes de genre dans les livres scolaires se multiplient. La maison bolognaise Zanichelli a été la première à créer un décalogue qui, en 10 lignes directrices, aide à lutter contre les stéréotypes de genre et à promouvoir l’inclusion.
Le 26/04/2021 à 09:57 par Federica Malinverno
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26/04/2021 à 09:57
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La première étape de ce processus remonte à 1999, lorsque le projet européen POLITE (Pari Opportunità nei LIbri di TEsto – parité des opportunités dans les livres scolaires) a été approuvé. Il impliquait plusieurs partenaires italiens — la présidence du Conseil des ministres avec le département pour l’égalité des chances et l’AIE (Association italienne des éditeurs) — ainsi que deux autres nations, le Portugal (Commissao para igualdade e para os diritos das mulheres) et l’Espagne (Federation de Gremios de Editores). L’objectif était de promouvoir une réflexion sur l’égalité des sexes en s’adressant en particulier au secteur de l’édition et de l’éducation et en stimulant une plus grande attention aux stéréotypes de genre dans les manuels scolaires.
En réalité il existe encore beaucoup de cas des coquilles ou bien de phrases maladroites dans les livres scolaires, qui sont parfois signalées à l’aide des réseaux sociaux. Il s’agit souvent d’exemples où les rôles de la femme et de l’homme sont proposés d’une façon rigide et cristallisée.
Pour en finir avec ces stéréotypes et montrer aussi un engagement d’un point de vue légal, le 13 octobre 2020, Alessandro Fusacchia, député et cofondateur de la plateforme politique Movimenta, ainsi que les députés Laura Boldrini, Alessandra Carbonaro, Lucia Ciampi, Paolo Lattanzio, Rossella Muroni, Erasmo Palazzotto et Lia Quartapelle, ont présenté à l’Assemblée Nationale un projet de loi visant à promouvoir la diversité des textes scolaires et à encourager l’autorégulation de l’édition scolaire.
Ce projet, qui n’a pas encore été approuvé, prévoit aussi la création d’un Observatoire national de la diversité et de l’inclusion au sein du ministère de l’Éducation, qui sera chargé d’élaborer des lignes directrices, d’émettre des avis sur les manuels scolaires examinés et de proposer un plan de formation pour les éditeurs et autres opérateurs du secteur.
Au-delà de cette initiative, certaines maisons d’édition ont commencé à créer des codes autonomes ou des formes de régulation interne. La maison d’édition Zanichelli de Bologne, spécialisée dans le secteur scolaire, a élaboré le programme Objectif 10 en matière d’égalité (Obiettivo 10 in parità) : 10 lignes directrices pour promouvoir l’égalité des sexes dans les livres, qui peuvent être consultées sur le site web de la maison. Éviter les stéréotypes, représenter les genres de manière égale, mettre en évidence la contribution de tous les genres à la connaissance, utiliser un langage inclusif, avoir une phase de contrôle éditorial dédiée à l’égalité des sexes et réfléchir sur la diversité du monde sont certaines des indications données.
Elena Bacchilega, directrice éditoriale de Zanichelli, nous a expliqué comment cette initiative est née : « La question de l’attention portée à l’égalité entre les sexes existait déjà depuis 1999, depuis la fondation du Code POLITE auquel les éditeurs ont adhéré. Cependant cet automne, au sein de la rédaction, nous avons ressenti le besoin d’aller plus loin, de sensibiliser la rédaction et de mieux réfléchir à cette question. »
En effet Elena signale un vrai changement dans la sensibilité collective par rapport à ces thèmes : « Par rapport à 1999, aujourd’hui cette question est plus visible, le climat a changé, et l’attention portée à ces questions a augmenté. » En particulier elle souligne que « les livres scolaires doivent refléter la réalité, s’aligner sur le monde réel. Dans certains livres il y a encore des exemples où les activités domestiques sont faites par les femmes : dans la réalité, ce n’est plus le cas, les hommes en font aussi ».
D’après la directrice éditoriale, il faut aussi faire attention à ne pas tomber dans l’excès, car « les stéréotypes sont inévitables : nous en avons besoin pour gérer la complexité du monde. Cependant, nous devons comprendre quels sont les stéréotypes que nous voulons éliminer ».
Pour se montrer en adéquation avec son temps, Zanichelli a décidé « de se doter d’outils opérationnels », qui permettent de contrôler comment la question de l’égalité des sexes est traitée dans les textes scolaires. « C’est une initiative née de la base », raconte Elena.
« Nous avons formé un groupe de travail qui a mis au point un questionnaire à destination de la rédaction, avec des questions pour comprendre le niveau de sensibilisation des éditeurs et des auteurs. Nous avons également effectué des analyses sur un échantillon de quatre livres de collège pour voir comment la question du genre était traitée, en collaboration avec Chiara Urru, une chercheuse de l’Université de Bologne, qui a fait des études quantitatives et qualitatives. Nous avons ensuite identifié un décalogue de 10 lignes directrices. »
Il est cependant très difficile de repérer tous « les archaïsmes, surtout dans les images, où les stéréotypes sont reproduits de façon parfois très évidente. Il est impossible de nettoyer les livres qui ne sont plus au catalogue de ces vieilles incrustations, alors nous travaillons beaucoup sur les nouveaux livres pour éviter certains pièges », nous rappelle encore Elena.
Quels sont donc ces pièges que l’on doit éviter et ces postures que nous pouvons adopter pour respecter la question de l’égalité des sexes et de l’inclusion ?
Elena Bacchilega nous rappelle par exemple l’utilisation du masculin dans les indications des exercices, plutôt que d’un genre neutre — qui en italien n’existe pas — ou bien du double emploi des genres masculin et féminin. Ensuite, il y a des aspects plus subtils, propres à chaque matière : « Par exemple dans les sciences on parle souvent des scientifiques au masculin, car dans le passé cette discipline était réservée aux hommes et les femmes scientifiques, même si elles existaient, n’émergeaient pas. Ce que nous pouvons faire maintenant c’est expliquer cette situation et aussi donner de l’importance aux figures féminines. En histoire de l’art, également, il vaut mieux de ne pas présenter les artistes femmes dans un encadré, séparées des artistes hommes. Enfin, il faut essayer d’éviter d’introduire des exemples de sports masculins et féminins, et de décliner au masculin les rôles de prestige (le travail, la lecture…). L’organisme classique décrit dans les livres de biologie, enfin, est toujours l’organisme masculin. »
Voici donc quelques exemples des bonnes pratiques qui peuvent être adoptés lorsqu’on travaille à la préparation d’un livre scolaire dans le souhait de respecter l’égalité des sexes.
Il s’agit bien sûr d’un processus qui est loin d’être abouti, mais qui représente une tendance, un horizon auquel aspirer. « Nous l’avons appelé un objectif, car nous y tendons même si nous ne sommes pas parfaits. Ce que nous voulons faire c’est nous engager à mettre ces nouvelles lunettes pour faire attention à la discrimination de genre », précise Elena. Il y a néanmoins déjà des résultats positifs qui concernent la représentation des femmes dans l’entreprise Zanichelli : « On a commandé une analyse du catalogue de 1960 à aujourd’hui pour voir la présence des auteurs hommes et femmes : dans le secteur scolaire, il y a désormais plus d’auteurs féminins. »
D’après Elena, l’édition a donc un rôle sociétal important, car elle peut contribuer à augmenter l’égalité des sexes dans la société, « notamment à travers les contenus que nous véhiculons dans les livres scolaires. De plus, les messages visuels sont encore plus forts que les messages textuels ».
Enfin il est très important qu’un « dialogue continu » s’instaure entre le monde de l’école et celui de l’édition. « Les livres sont les outils de travail de l’enseignant. Se concentrer sur la qualité des textes scolaires est le meilleur moyen de mettre les enseignants dans une meilleure position pour travailler et reconnaître ces stéréotypes », rappelle encore Elena.
Même la maison d’édition Rizzoli a adopté un code d’autorégulation appelé Obiettivo Parità ! (Objectif égalité), qui guide les auteurs et les éditeurs dans la rédaction des livres et établit des critères concernant les choix des textes, du langage, des images et des illustrations, de manière à respecter l’égalité dans tous ses aspects ainsi que le principe d’inclusion.
Le projet, mis en place par Fabbri-Erickson, concerne les livres destinés à l’école primaire et a été conçu en collaboration avec Irene Biemmi, professeure de pédagogie à l’université de Florence et autrice de Educazione Sessista. Stereotipi di genere nei libri delle elementari (L’éducation sexiste. Les stéréotypes de genre dans les livres de l’école primaire), paru chez Rosenberg & Sellier en 2017.
Crédit photo : WeMake Milano, CC BY SA 2.0
4 Commentaires
Poverino
27/04/2021 à 08:01
Pauvre Italie qui suit la même pente que la France... Tout ça pour faire avaler l'écriture inclusive et autres débilités associées.
C'est dommage, car contrairement à la France, l'Italie avait su conserver ses valeurs scolaires. Jusqu'au lycéen, l'enseignement est globalement très bon et le niveau d'un lycéen italien est à des années-lumières d'un lycéen français...
Pauvre-toi
30/04/2021 à 22:48
Cher poverino, si vous n'êtes pas content de la France, je vous suggère d'aller sur expédia.fr, d'y acheter un billet "aller seulement" et de vous barrer le plus vite possible.
Au revoir.
Poverino
01/05/2021 à 09:35
Il se trouve que je vis à mi-temps dans les deux pays, ce qui me permet d'avoir un avis d'expérience sur les deux pays.
Mais bon, les avis, c'est comme les trous du c..., tout le monde en a un, n'est-ce pas ?
Aleph
27/04/2021 à 09:47
Ils parlent des taches domestiques mieux réparties entre hommes et femmes. Parlent-ils des gardes d'enfant en cas de divorce contentieux ?